Sa seule justification serait de faire droit aux revendications des groupuscules d’obédience animaliste. Rappelons leurs arguments :
« Les associations animalistes portent la voix d’une immense majorité de nos concitoyens »
FAUX Il s’agit d’un détournement de la légitime attention d’une grande majorité de citoyens pour la bientraitance animale. Pour autant ils ne souhaitent pas l’abolition de toute relation entre l’homme et l’animal. Pour preuve : plus d’un foyer français sur deux accueille au moins un animal. Parmi eux, 8 millions de français accueillent au moins un animal d’espèce non domestique et de nombreux passionnés participent à la préservation d’espèces menacées dans leur milieu naturel.
« La captivité d’animaux non domestiques est une maltraitance en elle-même »
FAUX La longévité des animaux maintenus en milieu protégé est nettement plus importante que dans la nature, ce qui traduit leur confort physiologique.
Les conditions d’accueil en milieu contrôlé ont atteint des standards dignes d’hôtels 5 étoiles.
« Le maintien d’animaux sauvages en captivité entretient le trafic »
FAUX Malgré l’absence de statistiques officielles, les experts mandatés par les douanes pour identifier des animaux importés illégalement depuis le milieu naturel n’interviennent que très rarement en France Au contraire l’Europe exporte chaque année un nombre important d’animaux non domestiques nés en milieu contrôlé qui évitent la capture d’autant de sujets dans le milieu naturel pour alimenter la demande dans des pays où la réglementation est très laxiste voire inexistante.
« Les parcs zoologiques et les éleveurs privés ne concourent pas à la conservation des espèces menacées »
FAUX Des programmes de reproduction en milieu contrôlé ont permis de sauver de nombreuses espèces et d’en réintroduire un certain nombre avec succès. Institutions et éleveurs privés financent des programmes de conservation dans les pays d’origine.
La collection d’informations ex situ est du plus haut intérêt pour fournir des données aux chercheurs et optimiser la conservation in situ.
« Les animaux transmettent fréquemment des maladies à l’homme »
FAUX Les contaminations de l’homme par l’animal ne présentent pas une prévalence telle qu’elle justifie d’abolir tout contact. Les animaux non domestiques sont élevés en milieu contrôlé depuis plusieurs générations et ne peuvent transmettre des maladies acquises dans le milieu naturel. En ces temps de post pandémie il s’agit d’un argument opportuniste des plus cyniques.
« Nos associations ont les compétences et les structures nécessaires pour accueillir les animaux confisqués à la suite d’un durcissement de la réglementation »
FAUX Le manque d’expertise et manque de financement ont déjà conduit à des échecs payés au prix fort par les animaux (Rewild à Pont Scorff) ou à la création de parcs rétrogrades qui n’ont rien à voir avec l’Eden promis et ne vivent que d’aumône. Pourquoi consacrer de l’argent public pour placer dans des centres approximatifs des animaux parfaitement hébergés chez leurs propriétaires qui les assumaient à leurs frais ?
« Il est nécessaire de renforcer la réglementation française »
FAUX La France possède la réglementation la plus complète de l’Union Européenne en matière d’accueil d’animaux non domestiques (traçabilité des animaux, compétences de l’éleveur, qualité des installations). Alourdir encore la réglementation c’est aller vers la prohibition et dépasser le seuil d’acceptabilité en favorisant les circuits parallèles.
« La France est en retard sur ses voisins européens »
FAUX La très grande majorité des pays membres de l’UE ne dispose pas aujourd’hui de liste positive effective. Dans tous les pays qui ont pris des dispositions réglementaires dans ce sens, la résistance s’organise et des recours sont intentés devant les tribunaux. L’Unicab participe à un groupe de travail européen (Eurogroup for breeders).
Rappelons pour mémoire que tous ces arguments ont été rejetés par les instances européennes qui ne soutiendraient l’instauration d’une liste positive que de façon très restrictive en considérant qu’elle ne pourrait concerner que certaines espèces d’animaux prélevés dans la nature, les animaux nés légalement en milieu contrôlé n’étant en aucun cas concernés.
(source : EU positive list, a proposal to regulate the trade in animals destined for life as a pet, mars 2023)
Notre analyse d’un projet de liste positive pour la France
Remarques et propositions concernant la liste d’espèces animales non domestiques dont la détention serait interdite aux particuliers en application de la loi du 30 Novembre 2021
1. Préambule
Le projet présenté lors de la réunion du 16 novembre 2022, organisée par le Bureau de la Chasse, de la Faune et de la Flore Sauvages
MTE/DGALN/DEB/SDET/ET3, calquerait la future liste des espèces animales non domestiques, dont la détention serait autorisée (liste positive) aux particuliers, sur les colonnes A et B et C pour quota supérieur à 1 de l’arrêté du 8 octobre 2018. A contrario, il ne serait plus possible pour le particulier (liste négative) de détenir des spécimens d’espèces reprises à la colonne C quota 1 et + dudit arrêté (hors spécimens acquis avant le 30 novembre 2021, avec interdiction de reproduction et cessibles exclusivement à un établissement professionnel ou placés en refuge).
Entendre par « particulier » tout détenteur non professionnel, sans distinction de niveau de qualification (titulaire ou non d’un certificat de capacité à l’élevage d’animaux d’espèces non domestiques), ni de pratique (détention simple ou reproduction).
L’Unicab a bien compris les difficultés que pose la mise en œuvre d’une loi conçue sans aucune concertation avec les usagers et les experts, sans consultation de la Commission Nationale Consultative pour la Faune Sauvage Captive, et en méconnaissant la réglementation initialement en vigueur.
Pour autant, les difficultés de mise en œuvre ne doivent pas conduire à un égarement sur une mauvaise piste qui aurait pour avantage la simplicité, soutenue par le seul argument que « cela répond à une forte demande des citoyens français ».
Les éleveurs d’animaux d’espèces non domestiques, se félicitent de la préoccupation de leurs concitoyens pour le bien-être animal et s’y associent d’autant plus qu’il est au cœur de leurs vies quotidiennes.
Mais cette préoccupation ne doit pas être dévoyée et instrumentalisée pour servir une idéologie partisane.
2. Rappel des objections formulées par Unicab
Le projet consiste en un nivellement par le bas de nos activités en s’attaquant au niveau de qualification le plus élevé de notre corporation.
L’unanimité des structures représentatives de l’élevage d’animaux d’espèces non domestiques, professionnelles et non professionnelles, et des pratiquants, qu’ils soient ou non personnellement impactés par cette proposition est totale autour d’une constatation :
Quelle corporation, détentrice d’une expertise acquise par une formation théorique et pratique de longue haleine, dont les conditions sont fixées et contrôlées par les pouvoirs publics, sanctionnées par une qualification dont l’obtention est longue et exigeante, qui a fait des investissements souvent lourds en terme d’équipement et d’achat de reproducteurs, par passion et sans espoir de retour financier sur investissement, qui détient un patrimoine génétique, un réservoir, dont l’importance n’est pas contestable sur un plan scientifique, qui rend compte de son expérience et de sa pratique à travers de nombreuses communications et publications précieuses en matière d’enregistrement de données physiologiques et comportementales souvent impossibles à relever in situ, qui assure la traçabilité de ses animaux, qui ne recoure pas à des prélèvements illégaux dans le milieu naturel, accepterait de subir la mesure vexatoire et totalement injustifiable d’être contrainte à arrêter ou réduire son activité ?
Comment accepter qu’une telle expertise puisse plier devant les excès d’associations d’inspiration animaliste qui n’hésitent pas à s’appuyer sur une lecture partiale d’études scientifiques ou sur des assertions dogmatiques, pour promouvoir leurs revendications visant à supprimer toute forme d’assujettissement de l’animal à l’homme ?
3. Conséquences
3.1 L’objectif de la loi ne serait pas atteint. Le niveau de qualification requis pour la détention et l’élevage des espèces reprises à la colonne C 1 et + est le plus exigeant en matière de compétences acquises par le détenteur et de qualité de ses installations, le tout soumis à certificat de capacité et autorisation préfectorale d’ouverture d’établissement. Ce n’est assurément pas dans ce type d’élevage, au demeurant le plus contrôlé, que des entorses à la bientraitance animale se manifestent. Et, quand bien même, les cas particuliers peuvent être sanctionnés par le retrait des agréments. Le cœur de cible n’est pas atteint.
3.2 Si le principe punitif de ce projet devait être retenu, il introduirait la notion inacceptable que l’action des éleveurs amateurs, même les plus compétents, qui détiennent des espèces animales non domestiques est un acte de maltraitance selon l’esprit de la loi.
L’élevage de conservation, moyen privilégié par lequel le citoyen peut s’opposer au quotidien de façon pratique à l’extinction de masse en cours, et participer sans aide financière de l’Etat à la préservation des intérêts bien compris de la collectivité, serait sacrifié. Ceci contreviendrait au principe de gouvernance désormais appliqué dans tous les secteurs d’activité, où l’Etat délègue au secteur privé certaines de ses missions ; en l’occurrence la préservation des espèces et l’éducation des populations au respect de la Nature et des animaux. Cette gouvernance suppose que l’Etat délègue aux personnes qualifiées la mission de préservation et n’assume que la mission de contrôle exercée par ses services déconcentrés. La mission de conservation suppose une synergie entre parcs zoologiques et éleveurs privés puisque certaines espèces ne peuvent se reproduire de façon satisfaisante en situation de présentation au public et nécessitent des connaissances hyper spécialisées et des attentions particulières que seuls des éleveurs passionnés et totalement concentrés sur ces espèces peuvent leur prodiguer.
Les parcs zoologiques recrutent fréquemment leurs meilleurs éléments dans les rangs des dits éleveurs.
A l’inverse les associations animalistes sont totalement improductives en matière de conservation puisque leurs affidés n’ont par définition aucune notion ou expérience concrète de l’entretien d’animaux non domestiques sous garde humaine, étant anti-captivité.
Une fois ce principe acté, la situation s’aggraverait graduellement : nul doute que les associations de protection de la Nature à orientation animaliste n’auraient de cesse d’attaquer la détention en milieu contrôlé d’animaux d’espèces non domestiques sous ses formes moins élitistes, en arguant de la même considération.
3.3 En matière zootechnique cette disposition programme l’extinction d’un patrimoine génétique inestimable. L’arrêt de reproduction des spécimens correspondants constitue la suppression de réserves de précaution vis à vis du déclin effectif ou probable de nombreuses espèces dans le milieu naturel.
Confier les spécimens à des structures uniquement professionnelles ne résout en rien le problème : les établissements de présentation au public obéissent à des impératifs économiques et zootechniques parfois inadaptés à la reproduction des espèces concernées. Les espèces auxquelles s’intéresse l’éleveur non professionnel sont souvent trop peu charismatiques pour susciter l’intérêt des visiteurs fréquentant les établissements de présentation au public.
On peut d’ailleurs regretter que l’I-FAP ne fournisse aucune donnée statistique quant à l’origine des animaux nés en captivité mais il est bien évident que la majorité des succès de reproduction obtenus pour les espèces des différents taxons de la colonne C 1 et + ont lieu chez des éleveurs non professionnels. Quant aux élevages professionnels assurant la reproduction de ces espèces, rebutés par une réglementation dissuasive, on peut regretter qu’ils soient extrêmement peu nombreux dans notre pays. En nombre plus important, leur synergie avec les élevages amateurs et les parcs zoologiques serait un atout pour la conservation.
Mais dans tous les cas ils n’orienteraient probablement pas leur production vers des espèces dénuées de tous débouchés commerciaux.
3.4 Quid de la libre circulation des biens dans l’espace européen si des spécimens produits légalement dans d’autres pays membres de l’UE ne peuvent être acquis par un citoyen français ? (cf. arrêt de la CJUE 2009)
3.5 Le critère professionnel n’est assurément pas un critère pertinent pour garantir la bientraitance animale. En quoi un éleveur non professionnel serait-il plus maltraitant qu’un éleveur professionnel ?
3.6 Le placement de spécimens en refuges où ils seraient souvent moins bien hébergés que dans leur lieu de vie initial, sans aucune viabilité économique est un non-sens en matière de bien-être animal : les précédents sont très révélateurs (cf. le zoo de Pont Scorff géré de façon calamiteuse par Rewild, d’autres présentent des symptômes inquiétants …)
Le nombre potentiel d’animaux à placer a-t-il été évalué ? La création des places correspondantes sera-t-elle improvisée ? A qui sera-t-elle déléguée ? Avec quels moyens ?
N’est-il pas inquiétant, qu’un « effet d’aubaine » dans l’espoir de subventions publiques et/ou de reconnaissance idéologique, puisse inciter des structures notoirement incompétentes à se porter candidates, là où la pratique des éleveurs dépossédés de leurs animaux leur assurait des conditions de vie optimales ?
Se posera à très court terme la question de l’accueil en urgence de spécimens de la colonne C 1 et + consécutif à des arrêts d’élevage.
Notons également que si les centres de soins à la faune sauvage et refuges ne pouvaient plus recourir au placement des spécimens concernés chez des éleveurs capacitaires non professionnels, se poserait la question de l’euthanasie des spécimens en question pour cause de saturation des structures d’accueil, ce qui ne paraît pas satisfaisant d’un point de vue éthique.
L ‘entretien et l’hébergement de spécimens d’espèces de la colonne C 1 et + ne s’improvisent pas (la justification de leur reprise à la colonne C 1 et + est précisément des conditions d’entretien et d’hébergement exigeantes pour nombre d’entre elles). A l’heure actuelle le placement et l’échange de ces spécimens entre éleveurs d’agrément ne pose pas de difficultés ; si cette pratique rapide et fiable devient prohibée, les solutions alternatives risquent fort d’être désastreuses. On peut là encore regretter que l’I-FAP ne fournisse aucune statistique sur la durée de survie des spécimens saisis et placés souvent à la hâte dans des conditions inadéquates par les agents de l’Etat.
3.7 Perte totale de confiance des éleveurs à l’égard des pouvoirs publics qui, après avoir promu l’élévation du niveau de pratique de l’élevage pendant plus de trente ans, sanctionnerait les évolutions considérables obtenues par une interdiction de détention d’espèces parfaitement établies en milieu contrôlé grâce à leur travail. Ainsi de nombreuses espèces de la liste C 1 et + sont aujourd’hui couramment reproduites chez les éleveurs d’agrément et professionnels européens : pour les oiseaux gouras, ibis rouges, martins chasseurs, tragopans de cabot, certains ramphastidés ; les urodèles le genre Neurergus, les amphibiens Phyllobates bicolor et P. Terribilis, les reptiles Acrantophis spp., Epicrates cenchria, Uromastyx etc. La démarche a été initiée avec le transfert de la colonne C 1 et + des anserelles (Nettapus spp) vers la colonne B, mais plusieurs autres espèces devraient être transférées d’urgence vers la colonne B, pour éviter la disparition de ce patrimoine précieux en élevage.
3.8 Pour corollaire de l’alinéa précédent : comment ne pourrait-on s’inquiéter du retour à la clandestinité d’un nombre important de pratiquants qui n’abandonneront pas ce qui est et demeurera leur passion, et comment ne pas craindre d’encourager le braconnage de spécimens de faune européenne (fringillidés notamment) qui se substitueraient à l’offre d’animaux élevés en milieu contrôlé ?
3.9 La prohibition de la liste C 1 et + ne se justifie pas non plus par des arguments protectionnistes : un trafic mettant en jeu des spécimens de ces espèces prélevés illégalement dans la nature a-t-il été mis à jour au cours des années passées chez des éleveurs capacitaires ? Ce serait d’ailleurs inconcevable au regard des risques encourus, de la forte mortalité des sujets prélevés et de la disponibilité de sujets d’élevage parfaitement établis en captivité.
3.10 La position des associations responsables qui ont incité leurs membres à exercer dans la légalité serait totalement discréditée, entrainant une fuite des adhérents qui ne seraient plus accessibles à aucune information ni formation.
3.11 Il n’y a aucune justification de réforme motivée par des abandons de sujets des espèces de la colonne C 1 et + par des éleveurs capacitaires.
3.12 La mise en œuvre de ce projet ne concourrait ni à l’allégement de la procédure administrative ni au désengorgement des services de l’état, car il est exceptionnel qu’un dossier de demande de certificat de capacité soit établi exclusivement pour des espèces de la colonne C 1 et +.
3.13 Il n’est absolument pas démontré par la communauté scientifique que la prévalence des zoonoses transmises à l’homme par les animaux d’espèces non domestiques nés et élevés en milieu contrôlé dans notre pays, justifie des restrictions réglementaires supplémentaires opposables à la détention desdits de maladies virales ou bactériennes de l’animal à l’homme se fait, dans la très grande majorité des cas, dans le cadre d’élevages intensifs, favorisée par la concentration des animaux, leur présence en milieu confiné et les fréquents mouvements d’animaux. Au demeurant, la plupart des 200 maladies qui franchissent la barrière des espèces, de l’animal vers l’homme, apparaissent dans les pays en voie de développement et concernent des animaux sauvages prélevés de la Nature pour l’alimentation ou le loisir.
Pour prendre l’exemple précis de la chlamydiose, zoonose la plus facilement transmissible au détenteur d’oiseaux d’espèces non domestiques, en cela que les psittaciformes, hôtes cibles potentiels de la bactérie responsable, sont, par leur facilité d’imprégnation, les oiseaux avec lesquels le détenteur peut avoir les contacts les plus rapprochés : la présence chez l’oiseau né en captivité, de la bactérie responsable de la maladie (Chlamydia psittacii) est détectée dans des proportions de 24 pour 1 chez le canard mulard en élevage intensif, par rapport aux psittaciformes en élevage d’agrément . (Thése de doctorat de V. HULIN, Circulation des chlamydiaceae en filière avicole, 5 avril 2016) Concernant la transmission de la chlamydiose par les oiseaux à l’homme la prévalence de la transmission par les oiseaux d’ornement est faible : Sur 2 ans, l’étude menée en Bretagne-Pays de Loire, en 2008-2009 par l’Institut National de Veille Sanitaire a relevé seulement 27 cas transmis par des oiseaux d’ornement sur un total de 92 cas recensés. Ce qui représente un taux de contamination de la population de 0,00019 % par an…
A telle enseigne que l’élevage de pigeons de rapport pour la consommation humaine est autorisé alors que cette espèce est également une cible d’élection pour la bactérie.
Dans tous les cas le contrôle et le suivi sanitaire font déjà partie des obligations et des évaluations d’un élevage ayant reçu une autorisation préfectorale d’ouverture.
En matière de transmission de zoonoses, il y a donc lieu de distinguer l’animal sauvage de l’animal d’espèce non domestique né et élevé en milieu contrôlé.
Il n’y a pas lieu sur cette base de promouvoir l’évolution du cadre juridique vers une sorte de scaphandre réglementaire qui ferait disparaître de nos vies toute interférence avec des animaux d’espèces non domestiques nés en milieu contrôlé.
Invoquer par opportunisme la chauve-souris et le pangolin, ne fait que souligner la faiblesse des autres ressorts de l’idéologie animaliste pour s’opposer à la captivité.
De plus, en matière de médecine humaine, l’interdiction de détention faite aux capacitaires non professionnels de détenir les espèces venimeuses reprises à la colonne C 1 et +, conduirait probablement à entraver l’activité de la banque de sérums anti venin (BSA) regroupant médecins, pharmaciens, chercheurs, institutions publiques et éleveurs privés de serpents venimeux, dont les ressources en spécimens prélevés sont majoritairement abondées par ces derniers, et qui permettent la mise à disposition de stocks pouvant être mobilisés en cas d’envenimation par les espèces couvertes.
3.14 Ce dispositif ne satisferait probablement aucune idéologie pro ou anti-élevage, trop strict pour les uns, trop laxiste pour les autres.
3.15 Impasse juridique : l’accouplement de deux spécimens considérés comme domestiques au titre de l’arrêté de 2006 mais dont l’espèce sous sa forme nominale est reprise à la colonne C un et + de l’arrêté du 8 octobre 2018, peut produire, par recombinaison des gènes, des spécimens de phénotype nominal. Ainsi un détenteur peut se retrouver dans l’illégalité par la production de spécimens dont la détention lui est interdite alors que la détention des reproducteurs est parfaitement licite. C’est le cas du chardonneret par exemple. Le phénotype n’apparaissant qu’au bout de plusieurs jours après la naissance des jeunes, quid du devenir des sujets indésirables ? Euthanasie qui ne manquera pas de choquer l’opinion publique si cette obligation est révélée ? Lâcher dans le milieu naturel alors que les sujets concernés sont porteurs de mutations ?
3.16 Plus généralement l’article 5 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen stipule que «la loi ne peut interdire que ce qui est nuisible pour la société » .
Seuls les extrémistes antispécistes qui ne représentent les objectifs en termes de prohibition que d’une infime fraction de la population, soutiennent que le maintien d’animaux en milieu contrôlé est nuisible, non pas à la société humaine mais aux populations animales en vertu d’une vision dogmatique et anthropomorphique des rapports entre l’Homme et l’animal.
Le pouvoir politique a le devoir de reconnaitre et protéger l’expertise et l’action en matière de conservation. Il ne le fait pas pour cause d’erreur d’analyse de la demande de l’électorat, reléguant la communauté des éleveurs et de leurs sympathisants pourtant très majoritaires, au rang de « sous citoyens » au mépris des principes de liberté, égalité et fraternité, faisant droit à des chimères. Il commet ce faisant une deuxième erreur d’analyse en confondant la retenue des éleveurs, peu actifs politiquement car forts de la validité de leur démarche, avec de l’indolence. Ce contre quoi l’Unicab va s’employer à réagir.
Chaque fois que l’on restreint l’espace de liberté des éleveurs d’animaux d’espèces non domestiques, on conduit un nombre significatif d’entre eux à arrêter leurs activités ou à les réorienter vers des espèces moins précieuses en termes de conservation. Chaque fois qu’un spécimen n’est pas produit en milieu contrôlé, ce sont plusieurs spécimens (compte tenu de la mortalité), qui sont prélevés dans la nature pour alimenter la demande qui n’est pas partout encadrée comme elle l’est en France.
N’oublions pas que ce sont par exemple plusieurs centaines de milliers de perroquets nés en milieu contrôlé qui ont été exportés de l’UE ces dernières années à destination de pays à forte demande émergente, dont la réglementation est très peu contraignante voire inexistante en la matière. La réduction de l’offre de spécimens nés et élevés en captivité orienterait la demande vers des pays où les prélèvements dans le milieu naturel ont encore cours.
Tout alourdissement des contraintes réglementaires dans un pays qui en est déjà largement pourvu peut présenter des effets pervers et sa pertinence doit être mûrement évaluée en termes de perte de biodiversité et de respect des libertés.
4. Bases factuelles de réflexion
4.1 L’esprit de la loi du 30 novembre 2021 est de promouvoir le bien-être animal
4.2 Le risque de maltraitance le plus élevé concernant les spécimens d’espèces animales non domestiques réside essentiellement dans la méconnaissance des besoins physiologiques et psychologiques de l’espèce en question
4.3 L’élevage en milieu contrôlé d’espèces animales menacées, sans prélèvements dans le milieu naturel, à partir des stocks d’animaux déjà présents en captivité, doit être encouragé conformément aux recommandations de l’UICN.
En assurant la reconnaissance et même la promotion des activités de reproduction en milieu contrôlé d’animaux d’espèces non domestiques nés et élevés en captivité, il ne s’agit pas d’assurer la persistance d’une « tradition », mais bien de préserver un savoir et des pratiques qui se sont enrichis au fil de générations d’éleveurs passionnés, ouverts aux données acquises de la science et qui ont intégré une éthique évolutive répondant aux exigences de leur temps. Une communauté à la pointe de la préservation bien comprise des espèces animales.
A ce titre le terme d’amateur doit être pris dans son sens le plus noble : « celui qui aime » de façon désintéressée et qui, pour aimer bien, se dote du plus haut niveau pratique et théorique.
Chaque succès de reproduction obtenu est une parade à l’appauvrissement de la biodiversité.
Chaque observation collectée, chaque communication effectuée, est une source d’informations précieuses mise à la disposition des acteurs de terrains pour le plus grand profit des populations animales in situ.
La vitalité de la demande des éleveurs de conservation, vis à vis des producteurs d’aliments et de matériel spécialisé, a permis non seulement des progrès fulgurants dans le maintien et la reproduction d’espèces animales réputées naguère délicates en milieu contrôlé, mais également de mettre à disposition des acteurs de terrains des produits qui renforcent leur efficacité dans le soutien aux populations sauvages. Mettre un frein à l’élevage d’animaux non domestiques en milieu contrôlé en Europe notamment, c’est mettre un frein à la demande et donc à la recherche sur les aliments et matériel spécialisés et appauvrir l’ensemble des moyens mis au service de la biodiversité non seulement sous garde humaine mais également sauvage.
4.5 Le niveau d’exigence du cadre réglementaire actuellement en vigueur opposable aux activités d’élevage amateur, n’a pas montré de failles structurelles dans sa pertinence, et les commissions départementales d’études des demandes de certificats de capacité et d’autorisation d’ouverture d’établissement n’ont pas démérité lorsque les dossiers ont été abordés sans a priori idéologique.
Sous réserve d’un « époussetage » de l’arrêté du 8 octobre 2018 pour le rendre plus pragmatique et lui permettre de « coller » aux impératifs pratiques de l’exercice de l’élevage de conservation, sous réserve également de l’harmonisation du traitement des dossiers de certificat de capacité, d’autorisation d’ouverture d’établissement, et des modalités de contrôle par les structures décentralisées de l’Etat, sous réserve de la réactivité des experts appelés à se prononcer sur le changement de statut des espèces reprises aux colonnes B et C annexées au texte, le cadre réglementaire français aurait vocation à servir de modèle pour une extension à tous les membres de l’Union Européenne, pour la plupart beaucoup moins avancés que notre pays en la matière.
4.6 La clef de voûte de tout dispositif cohérent est l’introduction d’un distinguo entre le simple particulier d’une part, détenteur d’un ou plusieurs animaux d’espèces non domestiques « de compagnie » (c’est à dire pour son simple agrément et sans finalité d’élevage), en dehors de tout cadre lui permettant l’accès à la formation et à l’information, et l’éleveur de conservation d’autre part dont le niveau de compétence en matière de zootechnie et de réglementation s’assoit sur un encadrement adéquat.
4.7 Il est légitime pour cause de risque élevé de maltraitance « de bonne foi », pouvant aller jusqu’à l’abandon, par des détenteurs non formés ni encadrés, de moduler l’accès à la détention des différentes espèces animales non domestiques, en fonction du niveau de qualification du détenteur et selon les caractéristiques zootechniques qui prévalent à la détention des différentes espèces.
Il est à noter que l’obtention de succès de reproduction en milieu contrôlé de nombreuses espèces, couplé au taux de mortalité et à l’âge moyen de décès (hors mortalité juvénile pour les espèces à très grande fécondité) est un indice significatif de conditions de détention adéquates, signe de bientraitance physiologique autant que psychologique.
4.8 Dès lors qu’un éleveur assure la reproduction d’animaux d’espèces non domestiques en milieu contrôlé, il participe à la lutte contre l’érosion de la biodiversité. Il n’y a pas de frontières étanches entre les différentes espèces en ce qui concerne leur statut de protection. Pour preuve les révisions permanentes effectuées par l’UICN entre les différents niveaux de classification. Malheureusement ces révisions se font dans l’immense majorité des cas, dans le sens d’une aggravation du statut des espèces dans leur milieu naturel. Ainsi l’éleveur qui aujourd’hui se consacre à la reproduction d’une espèce très commune en élevage et dans le milieu naturel, peut très bien être demain responsable d’un cheptel inestimable pour cause de déclin in situ de l’espèce concernée. C’est le cas par exemple de Padda oryzivora, de Correlophus ciliatus ou d’Ambystoma mexicanum ,oud’Ameca splendens . Le Triton alpestre de Bosnie (Ichthyosaura alpestris reiseri) ne doit sa sauvegarde qu’au travail d’éleveurs amateurs. Paretroplus menarambo déclaré éteint dans le milieu naturel et conservé par l’élevage non professionnel.
Tout détenteur d’animaux d’espèces non domestiques quel qu’en soit le statut, assurant leur reproduction, participe à la conservation, puisque nous ne pouvons préjuger aujourd’hui du statut futur de nombreuses espèces animales aujourd’hui courantes in situ.
4.9 Qui prendra la responsabilité de provoquer l’extinction d’une espèce animale non domestique en interdisant à des éleveurs compétents, relevant du plus haut niveau de qualification et de contrôle réglementaire, de faire reproduire leurs spécimens eux- mêmes issus de plusieurs générations produites en milieu contrôlé et dont la traçabilité est assurée ?
Qui prendra la responsabilité d’obliger les détenteurs capacitaires non professionnels d’animaux de la liste C 1 et + régulièrement détenus avant le 30 novembre 2021, à casser les œufs ou euthanasier des spécimens nés dans leur élevage alors que leur espèce est au bord du gouffre dans le milieu naturel ? (La question se pose déjà pour les spécimens nés depuis le 30 novembre 2021).
Qui prendra la responsabilité d’imposer à ces mêmes éleveurs, des conditions de détention propres à prévenir toute tentative de reproduction, au mépris du bien-être psychologique des animaux en question ?
Ce serait un non-sens qui ne manquerait pas de choquer ceux de nos concitoyens qui se sentent concernés par la préservation bien comprise de la faune.
Qui, devant la postérité, lorsque le débat sur les relations entre l’homme et l’animal se sera apaisé et que l’on reviendra à un inéluctable pragmatisme, assumera la posture qui aura conduit des espèces à disparaître de notre planète, faute d’avoir su préserver les moyens qui auraient permis à coup sûr d’éviter ces pertes irréversibles ?
4.10 L’existence d’un paysage associatif multiple et riche d’entités pérennes et aptes à encadrer l’éleveur amateur dans le domaine de sa formation et de son information sur les plans zootechnique et réglementaire, dispensant des services permettant sa mise en conformité avec la réglementation (moyens de marquage, aide à l’accès au fichier national I-FAP) est d’ores et déjà effective.
La participation collective à des actions de conservation joignant programmes de reproduction en milieu contrôlé et actions sur le terrain en collaboration avec des groupements locaux est fructueuse et documentée.
4.11 Toute entrave à la libre circulation et à la commercialisation des biens sur le territoire de l’Union Européenne est contraire aux traités.
5. Propositions
Nous proposons de préciser les modalités d’application de la liste prévue à l’article 14 de la loi du 30 novembre 2021 en définissant la notion d’élevage d’agrément tel que prévu à l’alinéa 5, quant à la finalité de l’activité du détenteur d’animaux d’espèces non domestiques et à ses compétences. Et plus précisément en excluant l’élevage de conservation de l’appellation « élevage d’agrément ».
La liste positive d’espèces animales non domestiques dont la détention serait autorisée aux particuliers (dans les conditions définies par l’arrêté du 8 octobre 2018) avec ou sans objectif de reproduction, serait constituée des listes A et B et C avec quota supérieur à 1 de l’arrêté du 8 octobre 2018.
La détention de spécimens d’espèces animales non domestiques reprises à la liste C 1 et + par les particuliers serait interdite, avec dérogation pour le responsable d’un élevage de conservation.
La qualification du statut de responsable d’un élevage de conservation s’obtiendrait par le cumul des conditions suivantes :
1. Le respect de toutes les dispositions réglementaires prévues par l’arrêté du 8 octobre 2018.
- Une mise en situation des animaux propice à leur reproduction, tant en ce qui concerne les besoins physiologiques que comportementaux.
- Le recours aux services d’un vétérinaire sanitaire garant du respect des 5 critères du bien-être animal de l’OMSA (Organisation Mondiale de la Santé Animale). L’état de « bien-être » relevant d’un diagnostic vétérinaire et non de considérations anthropomorphiques émises par des entités incompétentes et non autorisées. L’unicab a vocation à établir une charte de bonnes pratiques aptes à aboutir à un bien-être diagnostiqué par le vétérinaire dans l’exercice de ses attributions.
- Une attention particulière au maintien de la pureté et de la variabilité génétiques des souches élevées.
2. Une attention particulière à la préservation de l’expression du comportement naturel de l’espèce.
- L’adhésion pour toute la durée de validité de la reconnaissance de responsable d’un élevage de conservation à une structure associative apte à délivrer un encadrement propice au respect de la bientraitance animale et au respect de la réglementation par :
◦ La formation continue et l’information régulière (déjà imposée par les dispositions de la loi du 12 décembre 2000) de ses membres que ce soit sous forme matérialisée (revue, lettre d’information), ou dématérialisée (site dédié, mails d’information), et/ou la tenue de sessions de formation à distance ou en présentiel et/ou l’organisation de congrès. Dans le cas où la qualité d’adhérent n’entraîne pas la distribution systématique des moyens d’information sus cités à son profit, le responsable d’un élevage de conservation doit être abonné à au moins un support d’information.
◦ L’implication dans la conservation des espèces animales non domestiques par la mise en œuvre ou la participation à des actions de conservation in situ et/ou ex situ et/ou de sensibilisation à la bientraitance animale.
Cette adhésion serait matérialisée par un justificatif d’adhésion valide pour l’année en cours (et, si facultatif, d’abonnement à un moins un support d’information) délivré par l’association d’appartenance, à présenter aux agents de contrôle sur toute réquisition des pouvoirs publics.
Un exemplaire de chaque communication émanant de l’association serait adressé au Ministère de la Transition Ecologique.
Dans le cas où il n’existerait aucune association compétente en matière d’élevage et/ou de conservation des espèces détenues par l’éleveur qui revendique sa qualité de responsable d’un élevage de conservation, une formation continue régulière dispensée par un organisme formation, quelle qu’en soit la forme, serait recevable. Cet organisme serait tenu aux mêmes obligations que celles imposées aux associations, notamment pour attester auprès des services du Ministère de la Transition Ecologique, de l’effectivité de son action. Cette notion demandera à être précisée par une révision de l’arrêté du 12 décembre 2000 (arrêté fixant les conditions requises en application de l’article R 413-5 du code l’environnement pour l’attribution du certificat de capacité à l’élevage d’animaux d’espèces non domestiques).
A défaut : Le responsable d’un élevage de conservation non professionnel justifie d’une activité en lien avec une ou plusieurs structures (professionnelle ou non professionnelle) impliquées dans la protection, la conservation, la recherche, l’acquisition et le transfert de connaissances scientifiques (centre de recherche, refuge ou centre de soin, parc zoologique, muséum d’histoire naturelle).
La pluralité des associations agréées resterait un gage de modération des coûts d’adhésion.
Les pouvoirs publics pourraient obtenir un siège d’observateur au sein du conseil d’administration des structures agréées pour s’assurer de la bonne mise œuvre des obligations de l’association vis à vis des actions sus citées.
6. Résumé
Le dépassement du seuil d’acceptabilité du cadre réglementaire français consacré à l’élevage et à l’accueil de spécimens d’animaux non domestiques par les citoyens est consommé. Ceci incite un nombre grandissant de pratiquants à exercer dans la clandestinité, avec pour conséquences un obstacle à la traçabilité et à la bientraitance.
L’union naturaliste pour les intérêts de la conservation animale et de la biodiversité (Unicab), association loi de 1901 qui porte leur voix, est engagée dans une démarche constructive et responsable d’amélioration du cadre réglementaire dédié aux activités d’élevage d’animaux d’espèces non domestiques, et a déjà, malgré sa constitution très récente (13 mai 2023), présenté des propositions pour résoudre les principales difficultés. L’Unicab souhaite obtenir un retour sur ces différentes propositions et que le dialogue engagé avec les instances de tutelle restaure, par les résultats produits, la confiance des éleveurs.
Le cadre réglementaire français, servi avec diligence et expertise par les agents de l’état, aurait alors vocation à devenir un modèle pour l’ensemble des pays de l’Union Européenne, très en retard dans ce domaine. Toute évolution future ne pourrait être motivée que par des considérations scientifiques étayées et non par l’idéologie et l’obscurantisme véhiculés par des groupuscules extrémistes qui détournent l’intérêt légitime des citoyens français pour les animaux.
La bientraitance animale et la conservation doivent être les deux piliers de ce dispositif, les éleveurs en sont les acteurs principaux, et l’Unicab en est le vecteur au service de la bientraitance et de la lutte contre l’érosion du vivant.;